La Cour d’appel de Montpellier a tranché le 14 octobre 2014 une question qui se pose régulièrement lorsqu’une action est engagée devant une juridiction et qu’au cours de son déroulement, les règles de compétences changent.
Au surplus, la Cour a donné une explication très intéressante de la distinction entre exception de procédure et fin de non recevoir.
Le cas est le suivant :
Une instance est initialement ouverte le 23 mai 2007 devant le Tribunal de commerce de Montpellier, en contrefaçon et concurrence déloyale.
Le Tribunal rend son jugement le 26 août 2011.
Le perdant (demandeur de première instance) veut faire appel. Il saisit donc la Cour d’appel de Montpellier, dont relève le Tribunal de commerce de la même ville.
Cependant entre temps, le Code de la propriété intellectuelle et le Code de l’organisation judiciaire ont été modifiés :
Depuis le 1er novembre 2009, une compétence exclusive est donnée à certains tribunaux spécialisés pour traiter des questions de propriété intellectuelle.
En particulier, les questions de propriété intellectuelle qui auparavant relevaient des juridictions du ressort de la Cour d’appel de Montpellier relèvent désormais du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Marseille (en application des articles D.311-1-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article D.211-6-1 du Code de l’organisation judiciaire).
En clair, si l’instance introduite devant le Tribunal de commerce de Montpellier était tout à fait recevable, elle ne l’aurait pas été si elle avait été introduite après le 1er novembre 2009, seul le TGI de Marseille étant compétent.
L’intimée va donc soutenir que bien que le Tribunal de commerce de Montpellier ait jugé, dans la mesure où désormais ce sont des juridictions spécialisées qui sont compétentes, l’appel devait être formé devant la Cour d’appel de la juridiction désormais compétente, et non devant celle dont dépend le Tribunal qui a rendu le jugement de première instance.
La Cour d’appel de Montpellier va faire droit à cette demande en rappelant que l’instance d’appel est, comme son nom l’indique, une instance distincte de la première.
Que cette nouvelle instance étant introduite après les changements de règles de compétence, les nouvelles règles s’y appliquent.
Mais la Cour ne va pas s’arrêter là.
En effet, alors que l’appelante y voyait une exception d’incompétence (et que l’intimée avait eu la prudence d’invoquer son argument avant toute défense au fond, comme il est nécessaire de le faire pour toute exception de procédure), la Cour rappelle que ce n’est pas ainsi qu’il faut qualifier cet argument.
Elle considère que le fait de soulever le fait que la Cour n’a pas le pouvoir de statuer sur un certain sujet constitue non pas une exception de procédure, mais une fin de non recevoir, la saisine étant irrégulière car l’appel formé devant cette Cour n’est pas ouvert.
La distinction est de taille : alors que l’exception de procédure doit être soulevée avant toute défense au fond (et donc devant le juge de la mise en état avant de conclure au fond lorsqu’il en existe un), la fin de non recevoir peut être invoquée à tout moment.
En clair, si une partie a oublié et soulever cet argument avant de déposer des conclusions au fond devant la Cour, elle peut le soulever en tout état de cause dans ses conclusions au fond, sans que son argument ne puisse être considéré comme irrecevable.
Cette analyse pourrait alors être utilisée dès la première instance, et le fait de soulever l’incompétence d’une juridiction territorialement compétente au profit d’une juridiction spécialisée serait une fin de non recevoir, que la partie assignée pourrait soulever à tout moment.
Arrêt : Cour d’appel de Montpellier, 14 octobre 2014, n°13/ 02942